Archive pour juin 2008

Prier

Samedi 28 juin 2008

… Prier …

Edith SteinLes heures les plus heureuses dans la vie du Seigneur étaient certainement celles de la nuit silencieuse, dans un dialogue solitaire avec le Père. Elles Lui permettaient de reprendre son souffle après une activité qui Le mettait au coeur du tumulte des hommes.
La prière est la plus haute tâche dont soit chargé l’esprit humain.
Elle est une échelle de Jacob sur laquelle l’esprit de l’homme s’élève vers Dieu et par laquelle la grâce de Dieu descend sur l’homme.
Le dévouement plein d’amour et sans bornes pour Dieu, et en retour les dons divins:voilà le plus haut degré de la prière. Les âmes qui l’ont atteint sont véritablement le coeur de l’Eglise: en elles vit l’amour pontifical en Jésus.
Accorde-toi autant de temps au calme dans l’église que tu en as besoin pour trouver le calme et la paix. C’est avantageux non seulement pour toi, mais aussi pour tous les gens avec lesquels tu as à faire.

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 » Tout homme doit souffrir et mourir. Mais, s’il est un membre vivant du Corps du Christ, alors sa souffrance et sa mort reçoivent, par la divinité de Celui qui est le plus grand, une FORCE REDEMPTRICE. »

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 » Qui appartient au Christ doit partager sa vie en totalité…Il doit s’engager sur le chemin de la Croix, vers Gethsémani et le Golgotha. »

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« Si l’âme veut partager la vie du Christ, elle doit traverser avec Lui la mort sur la Croix : crucifier comme Lui, sa propre nature, par une vie de mortification et d’abnégation, et s’abandonner à une crucifixion dans la souffrance et la mort, de la façon dont Dieu veut en disposer ou le permettre. »

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« Le Crucifié demande à chaque homme de L’imiter: que chacun se laisse lui-même former, à l’image de Celui qui porte la Croix et a été crucifié. »

Edith STEIN

 

Laborem exercens [9]

Vendredi 27 juin 2008

9. Travail et dignité de la personne

En demeurant encore dans la perspective de l’homme comme sujet du travail, il convient que nous abordions, au moins de façon synthétique, quelques problèmes qui définissent de plus près la dignité du travail humain, car ils permettent de caractériser plus pleinement sa valeur morale spécifique. Il faut le faire en ayant toujours sous les yeux l’appel biblique de «soumettre la terre» 14, par lequel s’est exprimée la volonté du Créateur, afin que le travail permette à l’homme d’atteindre cette «domination» qui lui est propre dans le monde visible.

L’intention fondamentale et primordiale de Dieu par rapport à l’homme qu’«il créa … à sa ressemblance, à son image» 15, n’a pas été rétractée ni effacée, même pas lorsque l’homme, après avoir rompu l’alliance originelle avec Dieu, entendit les paroles: «A la sueur de ton front tu mangeras ton pain» 16. Ces paroles se réfèrent à la fatigue parfois pesante qui depuis lors accompagne le travail humain; elles ne changent pas pour autant le fait que celui-ci est la voie conduisant l’homme à réaliser la «domination» qui lui est propre sur le monde visible en «soumettant» la terre. Cette fatigue est un fait universellement connu, parce qu’universellement expérimenté. Ils le savent bien, ceux qui accomplissent un travail physique dans des conditions parfois exceptionnellement pénibles. Ils le savent bien les agriculteurs qui, en de longues journées, s’usent à cultiver une terre qui, parfois, «produit des ronces et des épines» 17, et aussi les mineurs dans les mines ou les carrières de pierre, les travailleurs de la sidérurgie auprès des hautsfourneaux, les hommes qui travaillent dans les chantiers de construction et dans le secteur du bâtiment, alors qu’ils risquent fréquemment leur vie ou l’invalidité. Ils le savent bien également, les hommes attachés au chantier du travail intellectuel, ils le savent bien les hommes de science, ils le savent bien, les hommes qui ont sur leurs épaules la grave responsabilité de décisions destinées à avoir une vaste résonance sur le plan social. Ils le savent bien les médecins et les infirmiers, qui veillent jour et nuit auprès des malades. Elles le savent bien les femmes qui, sans que parfois la société et leurs proches eux-mêmes le reconnaissent de façon suffisante, portent chaque jour la fatigue et la responsabilité de leur maison et de l’éducation de leurs enfants. Oui, ils le savent bien, tous les travailleurs et, puisque le travail est vraiment une vocation universelle, on peut même dire: tous les hommes.

Et pourtant, avec toute cette fatigue _ et peut-être, en un certain sens, à cause d’elle _ le travail est un bien de l’homme. Si ce bien porte la marque d’un bonum arduum, d’un «bien ardu», selon la terminologie de saint Thomas 18, cela n’empêche pas que, comme tel, il est un bien de l’homme. Il n’est pas seulement un bien «utile» ou dont on peut «jouir», mais il est un bien «digne», c’est-à-dire qu’il correspond à la dignité de l’homme, un bien qui exprime cette dignité et qui l’accroît. En voulant mieux préciser le sens éthique du travail, il faut avant tout prendre en considération cette vérite. Le travail est un bien de l’homme _ il est un bien de son humanité _ car, par le travail, non seulement l’homme transforme la nature en l’adaptant à ses propres besoins, mais encore il se réalise lui-même comme homme et même, en un certain sens, «il devient plus homme».

Sans cette considération, on ne peut comprendre le sens de la vertu de l’ardeur au travail, plus précisément on ne peut comprendre pourquoi l’ardeur au travail devrait être une vertu; en effet la vertu, comme disposition morale, est ce qui permet à l’homme de devenir bon en tant qu’homme 19. Ce fait ne change en rien notre préoccupation d’éviter que dans le travail l’homme lui-même ne subisse une diminution de sa propre dignité, alors qu’il permet à la matière d’être ennoblie 20. On sait aussi que, de bien des façons, il est possible de se servir du travail contre l’homme, qu’on peut punir l’homme par le système du travail forcé dans les camps de concentration, qu’on peut faire du travail un moyen d’oppression de l’homme, qu’enfin on peut, de différentes façons, exploiter le travail humain, c’est-à-dire le travailleur. Tout ceci plaide pour l’obligation morale d’unir l’ardeur au travail comme vertu à un ordre social du travail, qui permette à l’homme de «devenir plus homme» dans le travail, et lui évite de s’y dégrader en usant ses forces physiques (ce qui est inévitable, au moins jusqu’à un certain point), et surtout en entamant la dignité et la subjectivité qui lui sont propres.

Laborem exercens [8]

Mercredi 25 juin 2008

8. Solidarité des travailleurs

 

S’il s’agit du travail humain, envisagé dans la dimension fondamentale de celui qui en est le sujet, c’est-à-dire de l’homme en tant que personne exécutant ce travail, on doit de ce point de vue faire au moins une estimation sommaire des développements qui sont intervenus, au cours des quatre-vingt-dix ans écoulés depuis l’encyclique Rerum novarum, quant à la dimension subjective du travail. En effet, si le sujet du travail est toujours le même, à savoir l’homme, des modifications notables se produisent dans l’aspect obiectif du travail. Bien que l’on puisse dire que le travail, en raison de son sujet, est un (un et tel qu’on n’en trouve jamais d’exactement semblable), un examen de ses conditions objectives amène à constater qu’il existe beaucoup de travaux, un très grand nombre de travaux divers. Le développement de la civilisation humaine apporte en ce domaine en enrichissement continuel. En même temps, cependant, on ne peut s’empêcher de noter que, dans le processus de ce développement, on voit apparaître de nouvelles formes de travail, tandis que d’autres disparaissent. En admettant qu’en principe il s’agisse là d’un phénomène normal, il y a lieu cependant de bien voir si en lui ne se glissent pas, plus ou moins profondément, certaines irrégularités qui peuvent être dangereuses pour des motifs d’éthique sociale.

C’est précisément en raison d’une telle anomalie aux répercussions importantes qu’est née, au siècle dernier, ce qu’on a appelé la question ouvrière, définie parfois comme «question du prolétariat». Cette question _ comme les problèmes qui lui sont connexes _ a suscité une juste réaction sociale; elle a fait surgir, on pourrait même dire jaillir, un grand élan de solidarité entre les travailleurs et, avant tout, entre les travailleurs de l’industrie. L’appel à la solidarité et à l’action commune, lancé aux hommes du travail, avait sa valeur, une valeur importante, et sa force persuasive, du point de vue de l’éthique sociale, surtout lorsqu’il s’agissait du travail sectoriel, monotone, dépersonnalisant dans les complexes industriels, quand la machine avait tendance à dominer sur l’homme.

C’était la réaction contre la dégradation de l’homme comme sujet du travail et contre l’exploitation inouie qui l’accompagnait dans le domaine des profits, des conditions de travail et de prévoyance en faveur de la personne du travailleur. Une telle réaction a uni le monde ouvrier en un ensemble communautaire caractérisé par une grande solidarité.

Dans le sillage de l’encyclique Rerum novarum et des nombreux documents du Magistère de l’Eglise qui ont suivi, il faut franchement reconnaître que se justifiait, du point de vue de la morale sociale, la réaction contre le système d’injustice et de préjudices qui criait vengeance vers le Ciel 13 et qui pesait sur le travailleur dans cette période de rapide industrialisation. Cet état de choses était favorisé par le système socio-politique libéral qui, selon ses principes économiques, renforçait et assurait l’initiative économique des seuls possesseurs de capitaux, mais ne se préoccupait pas suffisamment des droits du travailleur, en affirmant que le travail humain est seulement un instrument de production, et que le capital est le fondement, le facteur et le but de la production.

Depuis lors, la solidarité des travailleurs, en même temps que, chez les autres, une prise de conscience plus nette et plus engagée concernant les droits des travailleurs, ont produit en beaucoup de cas des changements profonds. On a imaginé divers systèmes nouveaux. Diverses formes de néo-capitalisme ou de collectivisme se sont développées. Il n’est pas rare que les travailleurs puissent participer, et qu’ils participent effectivement, à la gestion et au contrôle de la productivité des entreprises. Au moyen d’associations appropriées, ils ont une influence sur les conditions de travail et de rémunération, comme aussi sur la législation sociale. Mais en même temps, divers systèmes fondés sur l’idéologie ou sur le pouvoir, comme aussi de nouveaux rapports apparus aux différents niveaux de la vie sociale, ont laissé persister des injustices flagrantes ou en ont créé de nouvelles. Au plan mondial, le développement de la civilisation et des communications a rendu possible un diagnostic plus complet des conditions de vie et de travail de l’homme dans le monde entier, mais il a aussi mis en lumière d’autres formes d’injustice bien plus étendues que celles qui, au siècle passé, ont suscité l’union des travailleurs en vue d’une solidarité particulière dans le monde ouvrier. Il en est ainsi dans les pays qui ont déjà accompli un certain processus de révolution industrielle; il en est également ainsi dans les pays où le premier chantier de travail continue à être la culture de la terre ou d’autres occupations du même type.

Des mouvements de solidarité dans le domaine du travail _ d’une solidarité qui ne doit jamais être fermeture au dialogue et à la collaboration avec les autres _ peuvent être nécessaires, même par rapport aux conditions de groupes sociaux qui auparavant n’étaient pas compris parmi ces mouvements, mais qui subissent, dans les mutations des systèmes sociaux et des conditions de vie, une «prolétarisation» effective ou même se trouvent déjà en réalité dans une situation de «prolétariat» qui, même si on ne la connaît pas encore sous ce nom, est telle qu’en fait elle le mérite. Dans cette situation peuvent se trouver plusieurs catégories ou groupes de l’«intelligentsia» du travail, spécialement lorsque l’accès toujours plus large à l’instruction, le nombre toujours croissant des personnes ayant obtenu des diplômes par leur préparation culturelle, vont de pair avec une diminution de demandes de leur travail. Un tel chômage des intellectuels arrive ou augmente lorsque l’instruction accessible n’est pas orientée vers les types d’emplois ou de services que requièrent les vrais besoins de la société, ou quand le travail pour lequel on exige l’instruction, au moins professionnelle, est moins recherché ou moins bien payé qu’un travail manuel. Il est évident que l’instruction, en soi, constitue toujours une valeur et un enrichissement important de la personne humaine; néanmoins, certains processus de «prolétarisation» restent possibles indépendamment de ce fait.

Aussi faut-il continuer à s’interroger sur le sujet du travail et sur les conditions dans lesquelles il vit. Pour réaliser la justice sociale dans les différentes parties du monde, dans les divers pays, et dans les rapports entre eux, il faut toujours qu’il y ait de nouveaux mouvements de solidarité des travailleurs et de solidarité avec les travailleurs. Une telle solidarité doit toujours exister là où l’exigent la dégradation sociale du sujet du travail, l’exploitation des travailleurs et les zones croissantes de misère et même de faim. L’Eglise est vivement engagée dans cette cause, car elle la considère comme sa mission, son service, comme un test de sa fidélité au Christ, de manière à être vraiment l’«Eglise des pauvres». Et les «pauvres» apparaissent sous bien des aspects; ils apparaissent en des lieux divers et à différents moments; ils apparaissent en de nombreux cas comme un résultat de la violation de la dignité du travail humain: soit parce que les possibilités du travail humain sont limitées _ c’est la plaie du chômage _, soit parce qu’on mésestime la valeur du travail et les droits qui en proviennent, spécialement le droit au juste salaire, à la sécurité de la personne du travailleur et de sa famille.

Laborem exercens [7]

Mardi 24 juin 2008

7. Une menaçe contre la véritable hiérarchie des valeurs.

Ces affirmations essentielles sur le travail ont toujours résulté des richesses de la vérité chrétienne, spécialement du message même de l’«évangile du travail», et elles ont créé le fondement de la nouvelle façon de penser, de juger et d’agir des hommes. A l’époque moderne, dès le début de l’ère industrielle, la vérité chrétienne sur le travail devait s’opposer aux divers courants de la pensée matérialiste et «économiste».

Pour certains partisans de ces idées, le travail était compris et traité comme une espèce de «marchandise» que le travailleur _ et spécialement l’ouvrier de l’industrie _ vend à l’employeur, lequel est en même temps le possesseur du capital, c’est-à-dire de l’ensemble des instruments de travail et des moyens qui rendent possible la production. Cette façon de concevoir le travail s’est répandue plus spécialement, peut-être, dans la première moitié du XIXe siècle. Par la suite, les formulations explicites de ce genre ont presque complètement disparu, laissant la place à une façon plus humaine de penser et d’évaluer le travail. L’interaction du travailleur et de l’ensemble des instruments et des moyens de production a donné lieu au développement de diverses formes de capitalisme _ parallèlement à diverses formes de collectivisme _ dans lesquelles se sont insérés d’autres éléments socio-économiques à la suite de nouvelles circonstances concrètes, de l’action des associations de travailleurs et des pouvoirs publics, de l’apparition de grandes entreprises transnationales. Malgré cela, le danger de traiter le travail comme une «marchandise sui generis», ou comme une «force» anonyme nécessaire à la production (on parle même de «force-travail»), existe toujours, lorsque la manière d’aborder les problèmes économiques est caractérisée par les principes de l’«économisme» matérialiste.

Ce qui, pour cette façon de penser et de juger, constitue une occasion systématique et même, en un certain sens, un stimulant, c’est le processus accéléré de développement de la civilisation unilatéralement matérialiste, dans laquelle on donne avant tout de l’importance à la dimension objective du travail, tandis que la dimension subjective _ tout ce qui est en rapport indirect ou direct avec le sujet même du travail _ reste sur un plan secondaire. Dans tous les cas de ce genre, dans chaque situation sociale de ce type, survient une confusion, ou même une inversion de l’ordre établi depuis le commencement par les paroles du Livre de la Genèse: l’homme est alors traité comme un instrument de production 12 alors que lui _ lui seul, quel que soit le travail qu’il accomplit _ devrait être traité comme son sujet efficient, son véritable artisan et son créateur. C’est précisément cette inversion d’ordre, abstraction faite du programme et de la dénomination sous les auspices desquels elle se produit, qui mériterait _ au sens indiqué plus amplement ci-dessous _ le nom de «capitalisme». On sait que le capitalisme a sa signification historique bien définie en tant que système, et système économico-social qui s’oppose au «socialisme» ou «communisme». Mais si l’on prend en compte l’analyse de la réalité fondamentale de tout le processus économique et, avant tout, des structures de production _ ce qu’est, justement, le travail _, il convient de reconnaître que l’erreur du capitalisme primitif peut se répéter partout où l’homme est en quelque sorte traité de la même façon que l’ensemble des moyens matériels de production, comme un instrument et non selon la vraie dignité de son travail, c’est-à-dire comme sujet et auteur, et par là même comme véritable but de tout le Processus de production.

Cela étant, on comprend que l’analyse du travail humain faite à la lumière de ces paroles, qui concernent la «domination» de l’homme sur la terre, s’insère au centre même de la problématique éthico-sociale. Cette conception devrait même trouver une place centrale dans toute la sphère de la politique sociale et économique, à l’échelle des divers pays comme à celle, plus vaste, des rapports internationaux et intercontinentaux, avec une référence particulière aux tensions qui se font sentir dans le monde non seulement sur l’axe Orient-Occident mais aussi sur l’axe Nord-Sud. Le Pape Jean XXIII dans son encyclique Mater et magistra, puis le Pape Paul VI dans l’encyclique Populorum progressio, ont porté une grande attention à ces dimensions des problèmes éthiques et sociaux contemporains.

 

 

Laborem exercens [6]

Lundi 23 juin 2008

6. Le travail au sens subjectif: l’homme, sujet du travail

Pour continuer notre analyse du travail liée à la parole de la Bible selon laquelle l’homme doit soumettre la terre, il nous faut maintenant concentrer notre attention sur le travail au sens subjectif, beaucoup plus que nous ne l’avons fait en nous référant au sens objectif du travail: nous avons tout juste effleuré ce vaste problème qui est parfaitement connu, et dans tous ses détails, des spécialistes des divers secteurs et aussi des hommes mêmes du monde du travail, chacun dans son domaine. Si les paroles du Livre de la Genèse auxquelles nous nous référons dans cette analyse parlent de façon indirecte du travail au sens objectif, c’est de la même façon qu’elles parlent aussi du sujet du travail; mais ce qu’elles disent est fort éloquent et rempli d’une grande signification.

L’homme doit soumettre la terre, il doit la dominer, parce que comme «image de Dieu» il est une personne, c’est-à-dire un sujet, un sujet capable d’agir d’une manière programmée et rationnelle, capable de décider de lui-même et tendant à se réaliser lui-même. C’est en tant que personne que l’homme est sujet du travail. C’est en tant que personne qu’il travaille, qu’il accomplit diverses actions appartenant au processus du travail; et ces actions, indépendamment de leur contenu objectif, doivent toutes servir à la réalisation de son humanité, à l’accomplissement de la vocation qui lui est propre en raison de son humanité même: celle d’être une personne. Les principales vérités sur ce thème ont été rappelées dernièrement par le Concile Vatican II dans la constitution Gaudium et spes, en particulier par le chapitre I consacré à la vocation de l’homme.

Ainsi la «domination» dont parle le texte biblique que nous méditons ici ne se réfère pas seulement à la dimension objective du travail: elle nous introduit en même temps à la compréhension de sa dimension subjective. Le travail entendu comme processus par lequel l’homme et le genre humain soumettent la terre ne correspond à ce concept fondamental de la Bible que lorsque, dans tout ce processus, l’homme se manifeste en même temps et se confirme comme celui qui «domine». Cette domination, en un certain sens, se réfère à la dimension subjective plus encore qu’à la dimension objective: cette dimension conditionne la nature éthique du travail. Il n’y a en effet aucun doute que le travail humain a une valeur éthique qui, sans moyen terme, reste directement liée au fait que celui qui l’exécute est une personne, un sujet conscient et libre, c’est-à-dire un sujet qui décide de lui-même.

Cette vérité, qui constitue en un certain sens le noyau central et permanent de la doctrine chrétienne sur le travail humain, a eu et continue d’avoir une signification fondamentale pour la formulation des importants problèmes sociaux au cours d’époques entières.

L’âge antique a introduit parmi les hommes une différenciation typique par groupes selon le genre de travail qu’ils faisaient. Le travail qui exigeait du travailleur l’emploi des forces physiques, le travail des muscles et des mains, était considéré comme indigne des hommes libres, et on y destinait donc les esclaves. Le christianisme, élargissant certains aspects déjà propres à l’Ancien Testament, a accompli ici une transformation fondamentale des concepts, en partant de l’ensemble du message évangélique et surtout du fait que Celui qui, étant Dieu, est devenu en tout semblable à nous , a consacré la plus grande partie de sa vie sur terre au travail manuel, à son établi de charpentier. Cette circonstance constitue par elle-même le plus éloquent «évangile du travail». Il en résulte que le fondement permettant de déterminer la valeur du travail humain n’est pas avant tout le genre de travail que l’on accomplit mais le fait que celui qui l’exécute est une personne. Les sources de la dignité du travail doivent être cherchées surtout, non pas dans sa dimension objective mais dans sa dimension subjective.

Avec une telle conception disparaît pratiquement le fondement même de l’ancienne distinction des hommes en groupes déterminés par le genre de travail qu’ils exécutent. Cela ne veut pas dire que le travail humain ne puisse et ne doive en aucune façon être valorisé et qualifié d’un point de vue objectif. Cela veut dire seulement que le premier fondement de la valeur du travail est l’homme lui-même, son sujet. Ici vient tout de suite une conclusion très importante de nature éthique: bien qu’il soit vrai que l’homme est destiné et est appelé au travail, le travail est avant tout «pour l’homme» et non l’homme «pour le travail». Par cette conclusion, on arrive fort justement à reconnaître la prééminence de la signification subjective du travail par rapport à sa signification objective. En partant de cette façon de comprendre les choses et en supposant que différents travaux accomplis par les hommes puissent avoir une plus ou moins grande valeur objective, nous cherchons toutefois à mettre en évidence le fait que chacun d’eux doit être estimé surtout à la mesure de la dignité du sujet même du travail, c’est-à-dire de la personne, de l’homme qui l’exécute. D’un autre côté, indépendamment du travail que tout homme accomplit, et en supposant qu’il constitue un but _ parfois fort absorbant _ de son activité, ce but ne possède pas par lui-même une signification définitive. En fin de compte, le but du travail, de tout travail exécuté par l’homme _ fût-ce le plus humble service, le travail le plus monotone selon l’échelle commune d’évaluation, voire le plus marginalisant _ reste toujours l’homme lui-même.

Laborem exercens [5]

Vendredi 20 juin 2008

5. Le travail au sens objectif: la technique

Ce caractère universel et multiple du processus par lequel l’homme «soumet la terre» éclaire bien le travail de l’homme, puisque la domination de l’homme sur la terre se réalise dans le travail et par le travail. Ainsi apparaît la signification du travail au sens objectif, qui trouve son expression selon les diverses époques de la culture et de la civilisation. L’homme domine la terre déjà par le fait qu’il domestique les animaux, les élevant et tirant d’eux sa nourriture et les vêtements nécessaires, et par le fait qu’il peut extraire de la terre et de la mer diverses ressources naturelles. Mais l’homme domine bien plus la terre lorsqu’il commence à la cultiver, puis lorsqu’il transforme ses produits pour les adapter à ses besoins. L’agriculture constitue ainsi un secteur primaire de l’activité économique; elle est, grâce au travail de l’homme, un facteur indispensable de la production. L’industrie à son tour consistera toujours à combiner les richesses de la terre _ ressources brutes de la nature, produits de l’agriculture, ressources minières ou chimiques _ et le travail de l’homme, son travail physique comme son travail intellectuel. Cela vaut aussi en un certain sens dans le secteur de ce que l’on appelle l’industrie de service, et dans celui de la recherche, pure ou appliquée.

Aujourd’hui, dans l’industrie et dans l’agriculture, l’activité de l’homme a cessé dans de nombreux cas d’être un travail surtout manuel parce que la fatigue des mains et des muscles est soulagée par l’emploi de machines et de mécanismes toujours plus perfectionnés. Dans l’industrie mais aussi dans l’agriculture, nous sommes témoins des transformations rendues possibles par le développement graduel et continuel de la science et de la technique. Et cela, dans son ensemble, est devenu historiquement une cause de tournants importants dans la civilisation, depuis le début de «l’ère industrielle» jusqu’aux phases suivantes de développement grâce à de nouvelles techniques comme l’électronique ou, ces dernières années, les microprocesseurs.

Il peut sembler que dans le processus industriel c’est la machine qui «travaille» tandis que l’homme se contente de la surveiller, rendant possible son fonctionnement et le soutenant de diverses façons; mais il est vrai aussi que, précisément à cause de cela, le développement industriel établit un point de départ pour reposer d’une manière nouvelle le problème du travail humain. La première industrialisation qui a créé la question dite ouvrière comme les changements industriels et post-industriels intervenus par la suite démontrent clairement que, même à l’époque du «travail» toujours plus mécanisé, le sujet propre du travail reste l’homme.

Le développement de l’industrie et des divers secteurs connexes, jusqu’aux technologies les plus modernes de l’électronique, spécialement dans le domaine de la miniaturisation, de l’informatique, de la télématique, etc., montre le rôle immense qu’assume justement, dans l’interaction du sujet et de l’objet du travail (au sens le plus large du mot), cette alliée du travail, engendrée par la pensée de l’homme, qu’est la technique.

Entendue dans ce cas, non comme une capacité ou une aptitude au travail, mais comme un ensemble d’instruments dont l’homme se sert dans son travail, la technique est indubitablement une alliée de l’homme. Elle lui facilite le travail, le perfectionne, l’accélère et le multiplie. Elle favorise l’augmentation de la quantité des produits du travail, et elle perfectionne également la qualité de beaucoup d’entre eux. C’est un fait, par ailleurs, qu’en certains cas, cette alliée qu’est la technique peut aussi se transformer en quasi adversaire de l’homme, par exemple lorsque la mécanisation du travail «supplante» l’homme en lui ôtant toute satisfaction personnelle, et toute incitation à la créativité et à la responsabilité, lorsqu’elle supprime l’emploi de nombreux travailleurs ou lorsque, par l’exaltation de la machine, elle réduit l’homme à en être l’esclave.

Si l’expression biblique «soumettez la terre», adressée à l’homme dès le commencement, est comprise dans le contexte de toute notre époque moderne, industrielle et post-industrielle, elle contient indubitablement aussi un rapport avec la technique, avec le monde de la mécanisation et de la machine, rapport qui est le fruit du travail de l’intelligence humaine et qui confirme historiquement la domination de l’homme sur la nature.

L’époque récente de l’histoire de l’humanité, et spécialement de certaines sociétés, porte en soi une juste affirmation de la technique comme élément fondamental de progrès économique; mais, en même temps, de cette affirmation ont surgi et surgissent encore continuellement les questions essentielles concernant le travail humain dans ses rapports avec son sujet qui est justement l’homme. Ces questions contiennent un ensemble particulier d’éléments et de tensions de caractère éthique et même éthico-social. Et c’est pourquoi elles constituent un défi continuel pour de multiples institutions, pour les Etats et les gouvernements, pour les systèmes et les organisations internationales; elles constituent également un défi pour l’Eglise.

Pour s’humilier un peu et faciliter la charité …

Jeudi 19 juin 2008

Pour s’humilier un peu et faciliter la charité …

Par le père Martin Marie O.S.B., abbaye bénédictine St Joseph de Clairval.

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Quand il n’achève pas son travail,
Je me dis : il est paresseux
Quand moi, je n’achève pas mon travail,
C’est que je suis trop occupé, trop surchargé !

Quand lui parle de quelqu’un,
C’est de la médisance !
Quand je le fais, c’est de la critique
constructive !

Quand lui tient à son point de vue,
C’est un entêté !
Quand moi je tiens à mon point de vue,
C’est de la fermeté !

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Quand lui prend beaucoup de temps pour faire quelque chose, il est lent !
Quand moi, je prends beaucoup de temps pour faire quelque chose, je suis soigneux !

Quand lui est aimable,
Il doit avoir une idée derrière la tête !
Quand moi je suis aimable, je suis vertueux !

Quand lui est rapide pour faire quelque chose, il bâcle !
Quand moi, je suis rapide pour faire quelque chose, je suis habile !

Quand lui fait quelque chose sans qu’on lui dise, il s’occupe de ce qui ne le regarde pas !
Quand moi, je fais quelque chose sans qu’on me le dise, je prends des initiatives !

Quand lui défend ses droits, c’est un mauvais esprit !
Quand moi, je défends mes droits, je montre du caractère !

www.clairval.com

Prière de l’étudiant

Mercredi 18 juin 2008

En cette semaine où beaucoup passent le Bac, d’autres leurs partiels, il est utile de nous rappeller cette prière de l’étudiant.

Saint Dominique, priez pour les étudiants.

 

Prière de l’étudiant

Etudiant
 

Apprends-moi, Seigneur, à bien user du temps que tu me donnes pour travailler et à bien l’employer, sans rien en perdre.

Apprends-moi à tirer profit des erreurs passées sans tomber dans le scrupule qui ronge.

Apprends-moi à prévoir le plan sans me tourmenter, à imaginer l’oeuvre sans me désoler si elle jaillit autrement.

Apprends-moi à unir la sérénité et la ferveur, le zèle et la paix.

Aide-moi au départ de l’ouvrage là où je suis le plus faible.

Aide-moi au coeur du labeur à tenir serré le fil de l’attention, et surtout comble toi-même les vides de mon oeuvre.

Seigneur, dans tout labeur de mes mains, laisse une grâce de Toi pour parler aux autres et un défaut de moi pour parler à moi-même.

Garde-moi de l’idéal de la perfection, sans quoi je me perdrais d’orgueil.

Purifie mon regard: quand je fais mal, il n’est pas sûr que ce soit mal, et quand je fais bien, il n’est pas sûr que ce soit bien.

Seigneur, ne me laisse jamais oublier que tout savoir est vain sauf là où il y a travail, et que tout travail est vide sauf là où il ya amour, et tout amour est creux qui ne vient de ta grâce.

Seigneur, enseigne-moi à prier avec mes mains, mes bras et toutes mes forces.

Rappelle-moi que l’ouvrage de mes mains t’appartient et qu’il m’appartient de te le rendre en te l’offrant.

Que si je le fais par goût du profit, comme un fruit oublié je pourrirais à l’automne. Que si je le fais pour plaire aux autres, comme la fleur de l’herbe je fanerais au soir. Mais si je le fais par ta grâce, je demeurerais dans le bien. Et le temps de faire bien et à ta gloire,
C’EST MAINTENANT.

Amen

Laborem exercens [4]

Mardi 17 juin 2008

II. LE TRAVAIL ET L’HOMME

4. Au Livre de la Genèse

L’Eglise est convaincue que le travail constitue une dimension fondamentale de l’existence de l’homme sur la terre. Elle est confirmée dans cette conviction par la prise en compte de l’ensemble du patrimoine des multiples sciences consacrées à l’homme: l’anthropologie, la paléontologie, l’histoire, la sociologie, la psychologie, etc.; toutes semblent témoigner de cette réalité de façon irréfutable. Toutefois, l’Eglise tire cette conviction avant tout de la source qu’est la parole de Dieu révélée, et c’est pourquoi ce qui est une conviction de l’intelligence acquiert aussi le caractère d’une conviction de foi. La raison en est que l’Eglise _ il vaut la peine de le noter dès maintenant _ croit en l’homme: elle pense à l’homme et s’adresse à lui, non seulement à la lumière de l’expérience historique ou avec l’aide des multiples méthodes de la connaissance scientifique, mais encore et surtout à la lumière de la parole révélée du Dieu vivant. Se référant à l’homme, elle cherche à exprimer les desseins éternels et les destins transcendants que le Dieu vivant, Créateur et Rédempteur, a liés à l’homme. L’Eglise trouve dès les premières pages du Livre de la Genèse la source de sa conviction que le travail constitue une dimension fondamentale de l’existence humaine sur la terre. L’analyse de ces textes nous rend conscients de ce que en eux _ parfois sous un mode archaïque de manifester la pensée _ ont été exprimées les vérités fondamentales sur l’homme, et cela déjà dans le contexte du mystère de la création. Ces vérités sont celles qui décident de l’homme depuis le commencement et qui, en même temps, tracent les grandes lignes de son existence terrestre, aussi bien dans l’état de justice originelle qu’après la rupture, déterminée par le péché, de l’alliance originelle du Créateur avec la création dans l’homme. Lorsque celui-ci, fait «à l’image de Dieu …, homme et femme» , entend ces mots: «Soyez féconds, multipliez-vous, emplissez la terre et soumettez-la» , même si ces paroles ne se réfèrent pas directement et explicitement au travail, elles y font sans aucun doute allusion indirectement, comme une activité à exercer dans le monde. Bien plus, elles en démontrent l’essence la plus profonde. L’homme est l’image de Dieu notamment par le mandat qu’il a reçu de son Créateur de soumettre, de dominer la terre. En accomplissant ce mandat, l’homme, tout être humain, reflète l’action même du Créateur de l’univers.

Le travail, entendu comme une activité «transitive» _ c’est-à-dire que, prenant sa source dans le sujet humain, il est tourné vers un objet externe _, suppose une domination spécifique de l’homme sur la «terre», et à son tour il confirme et développe cette domination. Il est clair que sous le nom de «terre» dont parle le texte biblique, il faut entendre avant tout la portion de l’univers visible dans laquelle l’homme habite; mais par extension on peut l’entendre de tout le monde visible en tant que se trouvant à la portée de l’influence de l’homme, notamment lorsque ce dernier cherche à répondre à ses propres besoins. L’expression «dominez la terre» a une portée immense. Elle indique toutes les ressources que la terre (et indirectement le monde visible) cache en soi et qui, par l’activité consciente de l’homme, peuvent être découvertes et utilisées à sa convenance. Ainsi ces mots, placés au début de la Bible, ne cessent jamais d’être actuels. Ils s’appliquent aussi bien à toutes les époques passées de la civilisation et de l’économie qu’à toute la réalité contemporaine et aux phases futures du développement qui se dessinent déjà peut-être dans une certaine mesure, mais qui pour une grande part restent encore pour l’homme quasiment inconnues et cachées.

Si parfois on parle de périodes «d’accélération» dans la vie économique et dans la civilisation de l’humanité ou des diverses nations, en rapprochant ces «accélérations» des progrès de la science et de la technique et spécialement des découvertes décisives pour la vie socio-économique, on peut dire en même temps qu’aucune de ces «accélérations» ne dépasse le contenu essentiel de ce qui a été dit dans ce très antique texte biblique. En devenant toujours plus maître de la terre grâce à son travail et en affermissant, par le travail également, sa domination sur le monde visible, l’homme reste, dans chaque cas et à chaque phase de ce processus, dans la ligne du plan originel du Créateur; et ce plan est nécessairement et indissolublement lié au fait que l’être humain a été créé, en qualité d’homme et de femme, «à l’image de Dieu». Ce processus est également universel: il concerne tous les hommes, chaque génération, chaque phase du développement économique et culturel, et en même temps c’est un processus qui se réalise en chaque homme, en chaque être humain conscient. Tous et chacun sont en même temps concernés par lui. Tous et chacun, dans une mesure appropriée et avec un nombre incalculable de modalités, prennent part à ce gigantesque processus par lequel l’homme «soumet la terre» au moyen de son travail.

La vierge à midi

Dimanche 15 juin 2008

LA VIERGE A MIDI

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Il est midi, je vois l’église ouverte,
Il faut entrer, Mère de Jésus-Christ
Je ne viens pas prier
Je n’ai rien à offrir et rien à demander.
Je viens seulement, Mère, pour Vous regarder,
Vous regarder, pleurer de bonheur
Savoir cela:
Que je suis votre fils et que Vous êtes là
Rien que pour un moment, pendant que tout s’arrête.
Midi, être avec Vous, Marie, en ce lieu où Vous êtes!
Ne rien dire, regarder votre visage.
Laisser le coeur chanter en son propre langage;
Ne rien dire, mais seulement chanter
Parce qu’on a le coeur trop plein,
Comme le merle qui suit son idée
En ces espèces de couplets soudains…
Parce que Vous êtes belle, parce que Vous êtes immaculée,
Parce que Vous êtes là pour toujours.
Simplement parce que Vous êtes Marie,
Simplement parce que Vous existez
Mère de Jésus-Christ, soyez remerciée.

 

Paul Claudel

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